samedi 18 juin 2011

Au Mega Mall de Rabat



Ahmed Bennani
Multiples fenêtres sur l’univers


Jeune peintre de Fès né en 1976, Ahmed Bennani expose actuellement à la galerie de Mega Mall à Rabat (du  3 février au 3 mars 2011).
Artiste autodidacte, il a donné plusieurs expositions à travers le royaume et persiste dans une démarche abstraite exprimée sur toile, zinc ou bois, souvent dans de grands formats dont des tondos.

Ahmed Bennani investit un univers chromatique grand comme le serait le cosmos. Les résultats obtenus (ou déduits) composent une suite de pans ou fenêtres tout aussi incommensurables les unes que les autres, à la fois complémentaires et individuées. La palette varie en teneur et se fait volontairement lyrique. Les couleurs, vibrantes d’une foule de nuances, souvent chaudes, imprègnent l’espace de mouvements très larges et équilibrés. Projetés dans les airs, on les dirait nés à la suite d’une explosion stellaire, tellement leur aspect de nuages minéraux, volcaniques dirions-nous, exulte d’une chaleur interne intense.
Ahmed Bennani y donne libre cours à une imagination matiériste lumineuse, réussissant d’étonnantes combinaisons et fusions tonales, et créant à chaque coup d’essai une atmosphère nouvelle.
Mais il n’y pas que le jeu unique des formes (ici brumeuses, évasives et brillantes). En optant pour l’abstraction, Bennani se serait libéré de toute référence à un quelconque objet qui ne pourrait qu’être coercitif, déléguant volontiers à sa seule main l’occasion d’intervenir au niveau de la couleur ou de ce qui ressortirait de sa subjectivité ; la couleur qui devient le creuset magique et poétique de son art. C’est un peu le procédé des Suprématistes au début du 20ème siècle contre l’inanité du réel, repensé en amont par les Tachistes : la couleur n’aura d’autre sujet à traiter qu’elle-même, et c’est elle qui engendrera les formes, ou ce qui serait leur semblant.
Dans son voyage chromatique sidéral, Ahmed Bennani orchestre la lumière dont il parsème l’espace à coups d’étincelles et de lueurs vives, ou qu’il range parfois en arrière-plan à des fins de contraste. Quelques traits légèrement inclinés sont jetés au centre des œuvres – graphisme impactant accessoirement sur la composition et rompant momentanément le rythme perceptif. Ce serait peut-être aussi une manière chez l’artiste de rompre le flux des couleurs ou ce qui risquerait de conduire son geste pictural à un chaos possible…
Nous imaginons l’attitude d’Ahmed Bennani face à sa création et à l’œuvre ; une création totalement impréparée, sinon amorphe, qu’il fallait sortir du néant en géniteur divin, et ordonner en un tout, un tout qui finit immanquablement par devenir une singulière série de parties apparemment interchangeables, ayant pourtant chacune son profil…Bennani crée mais alors en ne cessait pas de re-créer, compte tenu que ce qu’il cherche à exprimer est par essence interminable, quelque passionnant que cela puisse être. C’est le propre même de toute œuvre d’art en formation de donner l’impression de venir et de ne pas venir en même temps, et dont le charme est de rester justement insaisissable.

Abderrahman Benhamza

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